Depuis son arrivée à la tête de Montréal International, Hubert Bolduc a vu sa main-d’œuvre augmenter de près de 60%, tandis que ses investissements étrangers, eux, ont plus que doublé. Ce succès, il l’attribue à la motivation de ses troupes et à la grande liberté qu’il leur accorde. Regard sur son modèle de gestion.
Quelle était votre vision du leadership à votre arrivée en 2016 et comment a-t-elle évolué avec le temps?
Quand je suis arrivé, l’équipe, qui comptait alors une cinquantaine d’employés, avait besoin d’un peu de stabilité: il y avait eu beaucoup de changements à la direction de Montréal International (MI) alors que bon nombre de ses présidents se sont succédé, chacun demeurant à l’emploi seulement deux ans environ.
Dans ma première année, le taux de roulement était d’environ 30%, en raison de départs volontaires et de départs encouragés.
Ce changement a permis de modifier le bassin de candidats et a grandement contribué à rajeunir l’équipe et à insuffler un vent de dynamisme à l’organisme. C’est ainsi que 45% des employés sont maintenant âgés de 35 ans et moins et 61% sont des femmes. Un tiers sont nés à l’extérieur du Canada, 88% sont bilingues et le quart sont trilingues ou plus. Un avantage certain avec les clients internationaux.
«45% des employés sont maintenant âgés de 35 ans et moins et 61% sont des femmes.»
Mon style de leadership a donc dû devenir plus flexible et miser davantage sur la reconnaissance. Il n’y a pas de hiérarchie chez MI. Mon rôle, je le vois beaucoup comme une aide aux employés pour faire aboutir leurs projets: mettre en relation des gens dans le milieu des affaires, ouvrir des portes au gouvernement, trouver des partenaires dans le secteur privé…
Et ça a eu le succès qu’on connaît. Trois années plus tard, on est maintenant 85 employés, et on a doublé notre budget (18 millions de dollars canadiens) et nos investissements étrangers (2,47 milliards de dollars canadiens). Ce sont de plus 200 entreprises privées qui contribuent aujourd’hui au financement de MI.
Est-ce que le rajeunissement de vos employés a transformé vos façons de faire au quotidien?
Je ne les ai pas transformées, mais on met en place des mesures qui leur donnent beaucoup de liberté. Par exemple, lorsqu’il neige 25 cm dans un rayon de 150 km, incluant Le Massif, ils n’ont pas besoin de se déclarer malades pour aller skier. J’offre la journée s’ils n’ont pas de clients cette journée. Ça ne se produit que deux fois par année, alors comme c’est rare, j’encourage les gens à faire de l’activité physique.
De plus, s’ils sont 10 à vouloir faire une activité quelconque, sauf aller au bar ou magasiner, je paie l’activité – tournoi de pétanque, randonnée en montagne, etc. On a aussi congé tous les vendredis après-midi durant l’été. Qu’ils choisissent de travailler le soir, le week-end, la tête en bas ou avec de la musique, l’important, c’est qu’ils produisent des résultats et on est très agressif sur ce point. Ça peut sembler des détails, mais c’est l’accumulation de chacun d’entre eux qui rend le milieu de travail agréable. Et avec les résultats qu’on obtient, c’est clairement la recette gagnante.
«Qu’ils choisissent de travailler le soir, le week-end, la tête en bas ou avec de la musique, l’important, c’est qu’ils produisent des résultats et on est très agressif sur ce point.»
Je leur dis souvent que s’ils sont de mauvaise humeur ou déprimés un matin, ils sont mieux de rester à la maison. On vend Montréal, il faut donc être contagieux. Surtout qu’on est en compétition contre de grandes villes comme New York, Chicago, Toronto et Vancouver. Ils sont le premier contact avec l’entreprise: moi je m’occupe de leur bonheur, et eux, du reste. Quand j’ai commencé, j’ai mentionné d’emblée que je n’étais pas venu ici pour divorcer: j’avais trois enfants de moins de trois ans. Je travaille fort, mais je tente de partir à 16h30 et je reprends plus tard au besoin. Je m’attends à ce que les employés fassent de même. Le travail ne devrait pas toujours déborder. Si c’est le cas, c’est que les patrons ne s’occupent pas bien de la répartition des tâches.
Pourquoi la notion de culture d’entreprise est-elle si importante aujourd’hui?
C’est principalement en raison de la rareté de main-d’œuvre. Avec un taux de chômage à 4,9%, les entreprises s’arrachent les employés. Il faut donc soigner notre marque employeur et s’assurer que notre culture d’entreprise réponde aux attentes et aux ambitions de la génération montante. Je crois que le Québec et les entreprises en général n’ont pas accordé une assez grande attention à ces deux éléments par le passé.
Le milieu juridique l’a compris depuis longtemps. Les étudiants ne sont pratiquement pas encore entrés à la faculté de droit que les cabinets d’avocat rodent déjà autour d’eux. Ces derniers ont mis en place une mécanique de recrutement en même temps pour tenter d’attirer les meilleurs et d’offrir les meilleures conditions aux avocats.
«Nous recevons de 1200 à 1500 CV par année: un bel indicateur de la force de la marque employeur qu’on est en train de développer.»
Je crois que les entreprises doivent commencer à faire la même chose: être présentes dans les universités et les collèges et offrir des conditions qui répondent aux attentes de la nouvelle génération. Être flexible, ce n’est pas juste d’offrir de la bière le vendredi et une table de babyfoot, ça va jusque dans les valeurs profondes des dirigeants pour s’assurer que la culture de l’entreprise évolue de la bonne manière.
Est-ce que l’uniformisation récente de votre image de marque, réalisée par byHaus, a créé un effet rassembleur à l’interne?
Le rajeunissement de l’image de marque a débuté il y a cinq ans avec un nouveau logo. L’exercice actuel visait à éclater la marque et à l’uniformiser de manière à ce que ses divers publics, comme les talents et les étudiants internationaux, sentent qu’ils font partie de la grande famille de MI. Ainsi, chacun de ces groupes peut maintenant avoir des outils promotionnels à leur image. Le triangle représente les talents, et les cercles, les étudiants.
Auparavant, notre présence visuelle dans des événements différait pour chacun d’entre eux et on sentait moins le lien de parenté avec MI. On peut dorénavant travailler avec les mêmes couleurs et images.
Le nombre de CV que l’on reçoit maintenant par année, soit de 1200 à 1500, est un bel indicateur de la force de la marque employeur qu’on est en train de développer, alors même qu’on n’est pas une entreprise «grand public».
Source: Infopresse