Le manque de mutualisation dans les régimes à cotisation déterminée (CD) coûte cher aux participants. Alors que l’espérance de vie ne cesse d’augmenter, les promoteurs de régime, l’industrie de la retraite et les gouvernements vont devoir se pencher sur de nouvelles solutions de décaissement collectives pour rendre les régimes d’accumulation réellement efficaces.
« Si on n’offre pas d’options de décaissement à même les régimes CD, on lance les participants dans la jungle du marché de détail, où les frais atteignent facilement 2 ou 3 %. C’est de la destruction de richesse », s’exclame René Beaudry, associé chez Normandin Beaudry.
Dans le cadre du Colloque sur les régimes d’accumulation de l’Association de la retraite et des avantages sociaux du Québec (ARASQ), l’actuaire a déploré que si peu de promoteurs offrent des prestations variables à même leur régime. Ces prestations sont pourtant autorisées dans sept provinces : le Québec, l’Ontario, la Colombie-Britannique, l’Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba et la Nouvelle-Écosse.
Une prestation variable est une option qui s’apparente au fonds de revenu viager (FRV) et qui est versée directement à partir d’un régime CD, explique l’Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite (ACARR) dans un rapport sur le décaissement publié en 2017. Le solde accumulé par le participant est transféré dans un compte de prestations variables. L’argent de ce compte demeure placé dans les fonds du régime, et le retraité reçoit des versements périodiques de ce compte. Ces versements ne sont pas garantis, ils varient en fonction du rendement du régime et de la mortalité du groupe.
S’inspirer des meilleurs
Au Canada, une province devrait servir d’exemple pour toutes les autres en matière de décaissement, soutient René Beaudry. Laquelle? La Saskatchewan. Pas moins de la moitié de l’actif CD au pays, soit environ 17 G$, provient de la province des Prairies. Le décaissement à l’intérieur des régimes y est possible depuis 1988, et les prestations variables depuis 2006.
« Ils ont développés une grande expertise dans les régimes CD, autant dans le secteur privé que dans le secteur public. On a beaucoup de choses à apprendre d’eux », affirme René Beaudry.
Outre les options de décaissement largement répandues, les régimes de la Saskatchewan proposent aussi à leurs participants des fonds cycle de vie jusqu’à l’âge de 80 ans, ainsi que des planificateurs financiers salariés pour les aider à gérer les différentes facettes de leur vie financière.
« Il n’y a pas non plus de maximum annuel pour le décaissement, comme c’est le cas dans d’autres provinces, note René Beaudry. Ces règles sont inutiles et infantilisantes. Ce n’est pas vrai que les retraités vont aller s’acheter neuf Ski-Doo si on ne leur impose pas de maximum. Au contraire, bien des retraités ne retirent pas suffisamment d’argent car ils ont peur d’en manquer plus tard. »
Au Québec, par exemple, un retraité ne peut pas retirer plus de 6 % de l’actif d’un FRV annuellement, ce qui de l’avis de M. Beaudry, entrave la flexibilité dont les épargnants ont besoin en début de retraite. Dans plusieurs provinces, il est possible de retirer un montant forfaitaire d’au maximum 50 % de l’actif détenu dans un FRV, mais pas au Québec.
La rente longévité renaît
Alors que la flexibilité est primordiale lors de la première phase de la retraite, c’est plutôt la protection qui doit primer lors de la deuxième phase, explique René Beaudry. Une mesures du dernier budget fédéral est particulièrement intéressante à cet égard : la possibilité dès 2020 d’acheter une rente différée dont les paiements ne débutent qu’à l’âge de 85 ans. À l’heure actuelle, un retraité ne pouvait acheter une rente différée au-delà de 71 ans. Le montant maximal autorisé pour l’achat d’une telle rente est fixé à 25 % de l’actif total, ou 150 000 $.
« Les gens n’achètent pas de rentes parce qu’elles sont mal conçus, croit M. Beaudry. Se prémunir contre un risque faible ne nécessite pas d’assurance. Par contre, une rente différée à 85 ans constitue une vraie assurance, et pas un simple produit de décaissement dans les premières années de retraite. »
En retardant l’achat d’une rente à 85 ans, on en réduit également le prix, l’élément qui rebute le plus souvent les participants. « Une rente différée à 85 ans coûte seulement 15 % de l’actif total en moyenne », dit-il.
Mais que l’on parle de prestations variables ou de rentes différées, bien des employeurs se montrent réticent à implanter des solutions de décaissement dans leur régime CD. René Beaudry se dit convaincu qu’ils ont tout à y gagner. « Avec la pénurie de main-d’œuvre, les retraités deviennent des ambassadeurs. En leur offrant des options de décaissement, on garde un lien avec eux et on s’assure qu’ils parleront en bien de notre entreprise. »
Source: avantages.ca